La sociologie du corps

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La sociologie du corps par Mind Map: La sociologie du corps

1. chapitre 4. Domaines de recherches. Logiques sociales et culturelles du corps

1.1. Les techniques du corps

1.1.1. Mauss M. 1950. « Les techniques du corps », Sociologie et Anthropologie, Paris, Puf.

1.1.1.1. « Le corps est le premier et le plus naturel instrument de l’homme. »

1.1.1.2. technique : un acte traditionnel efficace

1.1.1.2.1. pas différent de l’acte magique, religieux, symbolique

1.1.2. Gestuelles codifiées en vue d’une efficacité pratique ou symbolique, il s’agit de modalités d’action, de séquences de gestes, de synchronies musculaires qui se succèdent dans la poursuite d’une finalité précise.

1.1.2.1. selon le sexe

1.1.2.1.1. définitions sociales de l’homme et de la femme impliquent en effet souvent des gestuelles codifiées

1.1.2.2. selon l’âge

1.1.2.2.1. les techniques du sommeil, du repos, de l’activité

1.1.2.2.2. techniques des soins du corps, de la consommation, de la reproduction, de soins

1.1.2.3. selon le rendement

1.1.2.3.1. adresse, habileté

1.1.2.3.2. devient reflexe

1.1.2.4. selon les formes de leur transmission

1.1.2.4.1. quelles modalités, quels rythmes

1.1.3. L’acquisition des techniques du corps = éducation formalisée, mimétisme

1.1.3.1. classe sociale, d'âge

1.1.4. Le corps n’est jamais un simple objet technique (ni même l’objet technique). Les gestes qu’il accomplit, même les plus élaborés techniquement, recèlent signification et valeur.

1.2. La gestuelle

1.2.1. mises en jeu du corps lors des rencontres entre les acteurs

1.2.1.1. rituel de salutation ou de congé

1.2.1.2. manières d’acquiescer ou de nier

1.2.1.3. mouvements du visage et du corps

1.2.1.3.1. parole, direction du regard

1.2.1.3.2. proxémie

1.2.1.3.3. toucher, contact, évitement

1.2.2. Approche sociologique, anthropologique de la gestualité.

1.2.2.1. Efron D. 1972. Gesture, Race and Culture, La Hague-Paris, Mouton, 1972.

1.2.2.1.1. thèses nazies, notion de race

1.2.2.2. Birdwhistell R. 1973. Kinesics and Context, Harmondsworth, Penguin Books.

1.2.2.2.1. kinèmes (analogues aux phonèmes), kinémorphèmes

1.2.2.2.2. séquences gestuelles et modèle linguistique

1.2.2.2.3. il n’y a pas de « communication non verbale ». Les mouvements de la parole et du corps s’enchevêtrent à la façon d’un système et ne peuvent être étudiés isolément.

1.3. L’étiquette corporelle

1.3.1. Selon ses interlocuteurs, leur statut et le contexte de l’échange, l'acteur sait d’emblée quel mode d’expression il peut utiliser, parfois non sans maladresse, et ce qu’il est autorisé à dire de sa propre expérience corporelle.

1.3.1.1. savoirs comportementaux

1.3.1.1.1. ruptures de conventions

1.3.1.1.2. proxémie

1.3.1.1.3. interculturalité

1.3.1.2. incompétence, inconvenance, irrespect, inculture

1.3.1.2.1. trébucher, tituber, tomber, éructer, bâiller, faire un lapsus, se gratter, flatuler, bousculer

1.3.1.2.2. Le corps redevient une gêne, un poids

1.4. L’expression des sentiments

1.4.1. Les sentiments transparaissent dans l’épaisseur du corps et se mettent en jeu dans les comportements, ils sont des émanations sociales qui s’imposent dans leur contenu et dans leur forme aux membres d’une collectivité plongés dans une situation morale donnée.

1.4.1.1. « On fait donc plus que manifester ses sentiments, on les manifeste aux autres, puisqu’il faut les leur manifester. On se les manifeste à soi en les exprimant aux autres et pour le compte des autres. C’est essentiellement une symbolique. »

1.4.1.1.1. Mauss M. 1968. « L’expression obligatoire des sentiments », Essais de sociologie, Paris, Le Seuil.

1.4.1.2. pour que le sentiment soit éprouvé et exprimé par l’acteur, il doit de quelque façon appartenir au répertoire culturel de son groupe.

1.4.2. La douleur, l’attitude en face d’elle, le seuil dolorifère sont liés au tissu social et culturel où l'acteur s’insère avec sa vision du monde, ses croyances religieuses, c’est-à-dire la façon dont il se situe face à sa communauté d’appartenance.

1.4.2.1. « La douleur n’est pas un simple fait d’influx nerveux courant d’une allure déterminée dans un nerf. Elle est la résultante du conflit d’un excitant et de l’individu entier. » René Leriche

1.4.2.2. Entre l’excitant et la perception de la douleur, il y a l’épaisseur de l’individu en tant que singularité et acteur d’une société donnée.

1.4.2.3. elle traduit un rapport infiniment complexe entre les modifications de l’équilibre interne du corps et leur ressenti par un acteur qui a « appris » à reconnaître cette sensation et à la rapporter à un système de sens et de valeur.

1.4.2.4. expression libre sur le douleur, stoïcisme, focalisation sur le mal ou la douleur même

1.4.2.4.1. L’éducation transforme ainsi les enfants en acteurs conformes à une certaine image de la femme et de l’homme en cours dans la société. idem dans l'expression de la douleur

1.5. Les perceptions sensorielles

1.5.1. D’une aire culturelle à une autre, et le plus souvent d’une classe sociale ou d’une génération à une autre, les acteurs déchiffrent sensoriellement le monde sur un mode différencié.

1.5.1.1. À chaque instant, nous décodons sensoriellement le monde en le transformant en informations visuelles, auditives, olfactives, tactiles ou gustatives.

1.5.1.2. Chaque communauté humaine élabore son propre univers sensoriel comme univers de sens.

1.5.1.3. Chaque acteur s’en approprie l’usage selon sa sensibilité et les événements qui ont scandé son histoire personnelle.

1.5.2. « Une considération plus rigoureuse montre que ces échanges de sensations ne se bornent aucunement à n’être qu’une base et une condition communes aux relations sociales, mais que chaque sens fournit d’après son caractère spécifique des renseignements caractéristiques pour la construction de l’existence collective, et qu’aux nuances de ses impressions correspondent des particularités, des relations sociales. »

1.5.2.1. Simmel G. 1981. « Essai sur la sociologie des sens », Sociologie et Épistémologie, Paris, Puf.

1.5.3. Toute acquisition d’une nouvelle technique est simultanément apprentissage sensoriel : apprendre à faire la cuisine (olfaction, goût, vue), à escalader des rochers (toucher, etc.), apprendre à jouer d’un instrument (ouïe, etc.), etc. En même temps que l’expérience corporelle se redéploie, elle modèle ses perceptions sensorielles par l’intégration de nouvelles informations.

1.6. Les techniques d’entretien

1.6.1. les soins dont le corps est l’objet

1.6.2. les conduites d’hygiène et les relations imaginaires au propre ou au sale sont profondément hétérogènes d’une société et d’une culture à une autre, d’une classe sociale à une autre.

1.6.2.1. les projections, les jugements à l’emporte- pièce qui méconnaissent les représentations sociales en place

1.6.2.2. les conduites d’hygiène propres à nos sociétés reposent elles aussi sur une symbolique du propre et du sale, du propice et du néfaste, elles sont elles aussi culturellement conditionnées

1.6.3. On ne lavait pas la tête des bébés : La fontanelle était considérée comme fragile, risquant de se rompre sous l’effet d’un savonnage trop énergique

1.7. Les inscriptions corporelles

1.7.1. Le marquage social et culturel du corps peut s’accomplir à travers une écriture directe du collectif sur la chair de l’acteur.

1.7.1.1. Instruments de séduction, elles sont plus souvent encore un mode rituel d’affiliation et de séparation.

1.7.1.2. sous la forme d’un retranchement, d’une déformation ou d’un ajout.

1.7.1.2.1. soustraction rituelle d’un fragment du corps (prépuce, clitoris, dents, doigts, tonsure, etc.)

1.7.1.2.2. marquages dans l’épaisseur de la chair (scarification, incision, cicatrice saillante, infibulation, modelage des dents, etc.)

1.7.1.2.3. inscriptions tégumentaires sous la forme de tatouages définitifs ou provisoires, de maquillage, etc.

1.7.1.2.4. modifications de la forme du corps (allongement du crâne ou du cou par des procédés de contention, déformation des pieds, constriction du ventre par une bande serrée, « engraissage » ou amaigrissement, allongement du lobe des oreilles, etc.)

1.7.1.2.5. usage de bijoux ou d’objets rituels qui réorganisent la conformation du corps : anneaux de jonc ou de perles qui provoquent, avec la croissance de l’individu, un allongement du cou, insertion de plateau dans la lèvre supérieure ou inférieure.

1.8. L’inconduite corporelle

1.8.1. Les traductions physiques variées (comportements ou symptômes) de la maladie, de la folie ou de la détresse

1.8.1.1. c’est l’homme qui est malade, et qu’ainsi le social, le culturel et le relationnel peuvent être impliqués dans l’émergence de la maladie.

1.8.1.2. voir l’exercice de l’efficacité symbolique pour ne plus percevoir qu’une « objectivité » de l’efficacité médicale.

1.8.2. A. Ehrenberg.1998. La Fatigue d’être soi, Paris, Odile jacob

2. Chapitre 5. Domaines de recherches. Les imaginaires sociaux du corps

2.1. Les « théories » du corps

2.1.1. Ce sont les représentations qui essaient d’identifier le corps

2.1.1.1. préciser ses liens avec l’acteur qu’il incarne (relations âme-corps-esprit, psyché-soma, etc.)

2.1.1.2. d’élucider les parties qui le composent : leurs fonctions réciproques = la physiologie symbolique qui les structure

2.1.1.3. de nommer ses constituants et leurs liens avec l’environnement social, culturel ou cosmique.

2.2. Approches biologiques de la corporéité

2.2.1. rendre compte des logiques corporelles de la condition humaine selon une perspective biologique, voire neurologique ou génétique.

2.2.2. La corporéité est dès lors subordonnée à une nature

2.2.2.1. Les mises en jeu du corps, notamment dans leur dimension faciale ou gestuelle, la traduction physique des sentiments éprouvés par l’acteur relèveraient de mécanismes biologiques universels et innés.

2.2.2.1.1. Darwin C. 1872. The Expression of the Emotions in Man and Animals

2.2.2.2. Les mises en jeu du corps, notamment dans leur dimension faciale ou gestuelle, la traduction physique des sentiments éprouvés par l’acteur relèveraient de mécanismes biologiques universels et innés.

2.2.2.2.1. Wilson E. 1975. Sociobiology. The NewcSynthesis. Harvard University Press

2.2.2.3. les interactions humaines sont déterminées au plan biologique

2.2.2.3.1. donner les pleins pouvoirs aux biologistes

2.2.2.3.2. Le système symbolique des relations entre les acteurs, le fonctionnement collectif des communautés humaines sont à leurs yeux sous l’étroite dépendance d’une programmation génétique, fixée au cours de la phylogenèse, et faisant de la culture un simple artefact du biologique.

2.3. La différence des sexes

2.3.1. relativité culturelle du statut des sexes et des qualités qui leur sont mutuellement attribuées

2.3.1.1. M. Mead M. 1935. Sex and Temperament in Three Primitives Societies

2.3.2. Les caractères physiques et moraux, les attributs assignés au sexe relèvent de choix culturels et sociaux et non d’une pente naturelle qui fixerait l’homme et la femme dans une destinée biologique.

2.3.2.1. La condition de l’homme et de la femme n’est pas inscrite dans leur état corporel, elle est socialement construite.

2.3.2.2. « on ne naît pas femme, on le devient ». S. de Beauvoir

2.3.3. Dans nos sociétés la petite fille ou le petit garçon risquent d’être éduqués selon une prédestination sociale qui déjà leur impose un système d’attitudes répondant à des stéréotypes sociaux.

2.3.3.1. L'éducation, l’école, les jeux, les jouets, les comptines, la publicité

2.3.3.2. stéréotypes du masculin et du féminin. douceur, fragilité, virilité

2.3.4. Les qualités morales et physiques attribuées à l’homme ou à la femme ne sont pas inhérentes à des attributs corporels, mais à la signification sociale qu’on leur prête et aux normes de comportement que cela implique

2.3.4.1. années 1970, le débat sur la sexualité, la contraception, l’avortement, etc. a révélé les enjeux politiques dont le corps de la femme pouvait être l’objet.

2.4. Déconstruire le genre

2.4.1. Le genre devient le fait d’une décision propre et d’une pratique cosmétique adaptée pour être homme ou femme ou autre chose indépendamment de son sexe « biologique » d’origine, ce dernier n’est qu’un prétexte.

2.4.2. Comme l’identité personnelle, l’identité de genre est malléable, simple proposition éventuellement révocable par l’individu.

2.4.2.1. Le genre est perçu comme une formation discursive et pratique, continuellement en transformation. Il n’est plus posé en dualité mais comme une accumulation de possibilités dépendantes du discours que l’individu tient sur lui- même.

2.4.2.2. Il n’est plus posé en dualité mais comme une accumulation de possibilités dépendantes du discours que l’individu tient sur lui-même.

2.4.2.3. Chaque individu est le maître d’œuvre de sa sexuation, de l’apparence de sa présence au monde comme de sa sexualité.

2.4.3. Ni le corps, ni le genre, ni l’orientation sexuelle ne sont des essences, mais des constructions sociales avant tout personnelles, et donc révocables.

2.4.3.1. l’assignation à un genre devient surtout une histoire que l’on se raconte et que l’on accrédite aux autres à travers une stylisation de son rapport au monde.

2.4.3.2. Le corps n’est que l’habitacle provisoire d’une identité qui refuse toute fixation et choisit une forme de nomadisme de sa présence au monde.

2.5. Le corps, support de valeurs

2.5.1. "Le corps est le modèle par excellence de tout système fini. Ses limites peuvent représenter les frontières menacées ou précaires. Comme le corps a une structure complexe, les fonctions de, et les relations entre, ses différentes parties peuvent servir de symboles à d’autres structures complexes. Il est impossible d’interpréter correctement les rites qui font appel aux excréments, au lait maternel, à la salive, etc., si l’on ignore que le corps est un symbole de la société, et que le corps humain reproduit à une petite échelle les pouvoirs et les dangers qu’on attribue à la structure sociale"

2.5.1.1. Douglas M. 1971. De la souillure, Paris, François Maspero.

2.5.2. Le corps métaphorise le social, et le social métaphorise le corps.

2.5.2.1. Les symboliques des organes

2.5.2.1.1. Les mains, les dents

2.5.2.1.2. Le sang

2.5.2.2. Organes "nobles" (cerveau, coeur, poumons) et "abats" (reins, intestins, sexe)

2.5.2.2.1. visage = cristallise le sentiment d’identité, la reconnaissance de l’autre, les qualités de séduction, s’identifie le sexe

2.5.2.2.2. Le visage est, avec le sexe, le lieu le plus investi, le plus solidaire du Moi.

2.5.3. Les sciences médicales (greffes, transfusions, procréation assistée) ont donné au corps une valeur d’objet dont le prix est inestimable au regard d’une demande croissante.

2.5.3.1. Les conséquences humaines de ces procédures nouvelles font de l’homme un éventuel matériel.

2.5.3.2. une valeur marchande

2.5.3.3. Le corps, morcelé dans ses composantes, tombe sous la loi de la convertibilité et de l’échange généralisé d’autant plus aisément que la question anthropologique de son statut est suspendue

2.6. Le corps fantasmatique du racisme

2.6.1. le corps est aussi lieu de fantasmes, d’attachements contestables dont il faut saisir les logiques sociales.

2.6.2. Le racisme s’enracine à l’intérieur des soubassements passionnels qui alimentent la vie collective, nourrissent ses projets, ses mobilisations, motivent ses tolérances ou ses violences

2.6.2.1. Le racisme est l’exemple d’une forme-prétexte socialement disponible pour accueillir les passions les plus disparates, les raisons les plus ambiguës, et leur donner enfin une voie de dérivation.

2.6.3. La « race » est une sorte de clone gigantesque qui, dans l’imaginaire du raciste, fait de chacun des membres censés la composer un écho inlassablement répété.

2.6.3.1. L’histoire individuelle, la culture, la différence sont neutralisées, gommées, au profit du fantasme du corps collectif, subsumé sous le nom de race.

2.6.3.2. La différence est muée en stigmate. Le corps étranger devient le corps étrange.

2.6.3.3. L’anatomie est son destin.

2.6.3.3.1. L’être de l’homme répond au seul déploiement de son anatomie.

2.7. Le corps « handicapé »

2.7.1. ambivalence du discours

2.7.1.1. homme normal, membre à part entière de la communauté, dignité et valeur personnelles non entamées par la conformation physique

2.7.1.2. marginalisé, hors du monde du travail, assisté, à l’écart de déplacement et d’infrastructures urbaines mal adaptées.

2.7.1.3. regards insistants, de curiosité, de gêne, d’angoisse, de compassion, de réprobation.

2.7.1.4. manque de clarté qui entoure sa définition sociale. Il n’est ni malade, ni en bonne santé, ni mort, ni pleinement vivant, ni en dehors de la société, ni à l’intérieur

2.7.2. « handicapé » plutôt que d’« avoir » un handicap.

2.7.3. l’effacement ritualisé du corps est socialement de mise

2.7.3.1. Celui qui déroge aux rites qui ponctuent l’interaction suscite la gêne ou l’angoisse.

2.7.3.1.1. Plus le handicap est visible et surprenant, plus il suscite socialement une attention indiscrète allant de l’horreur à l’étonnement et plus la mise à l’écart est nette dans les relations sociales.

2.7.3.2. l’homme affecté d’un handicap s’interroge à chaque nouvelle rencontre sur la manière dont il sera accepté et respecté dans sa dignité.

2.7.3.2.1. la tranquillité dont peut jouir n’importe quel acteur dans ses déplacements et le déroulement de sa vie quotidienne apparaît comme un honneur, un brevet de bonne conformité.

2.7.4. L’altération est socialement transformée en stigmate, la différence engendre le différend.

3. Chapitre 6. Domaines de recherche. Le corps dans le miroir du social

3.1. Les apparences

3.1.1. L’apparence corporelle répond à une mise en scène par l’acteur, touchant la manière de se présenter et de se représenter.

3.1.1.1. tenue vestimentaire, manière de se coiffer, d’apprêter son visage, de soigner son corps, etc

3.1.2. Le premier constituant de l’apparence répond à des modalités symboliques d’organisation sous l’égide de l’appartenance sociale et culturelle de l’acteur.

3.1.2.1. provisoires, largement dépendantes des effets de mode.

3.1.2.2. l’aspect physique (étroite marge de manœuvre) : taille, poids, qualités esthétiques

3.1.3. apparence = enjeu social, look dans le recrutement, publicité, exercice méticuleux du contrôle de soi.

3.1.3.1. Dans la société du spectacle, il faut être vu

3.1.3.2. Anatomie furtive, modulable, simple décor, ou plutôt dé-corps, à décliner selon les ambiances sociales.

3.1.3.3. L’ancienne sacralité du corps est caduque, il n’est plus la souche identitaire inflexible d’une histoire personnelle, mais une forme à remettre au goût du jour et soumise à la validation des autres.

3.1.3.3.1. tout possesseur de l’habit un moine incontestable.

3.1.4. mise en valeur de l’apparence sous les auspices de la séduction ou de la « communication »

3.1.4.1. L’homme nourrit avec son corps, perçu comme son meilleur faire-valoir, une relation toute maternelle de bienveillance attendrie, dont il tire à la fois un bénéfice narcissique et social, car il sait que c’est à partir de lui, dans certains milieux, que s’établit le jugement des autres.

3.2. Le contrôle politique de la corporéité

3.2.1. La question du pouvoir, de l’action du politique sur la corporéité en vue du contrôle du comportement de l’acteur

3.2.1.1. « toute politique s’impose par la violence, la coercition et la contrainte sur le corps ».

3.2.1.1.1. Brohm JM. 1975. Corps et Politique, Paris, Delarge

3.2.1.2. les sociétés occidentales inscrivent leurs membres dans les mailles serrées d’un faisceau de relations qui contrôle leurs mouvements. Elles fonctionnent comme des « sociétés disciplinaires ».

3.2.1.2.1. Foucault M. 1975. Surveiller et Punir, Paris, Gallimard.

3.2.1.3. Foucault la repère non seulement dans l’organisation du système pénitentiaire, des écoles, des collèges, des hôpitaux, de l’armée ou des ateliers.

3.2.1.3.1. Foucault poursuit sa réflexion à propos du « pouvoir sur la vie » qui caractérise selon lui les sociétés occidentales contemporaines au croisement d’une « anatomo- politique du corps humain » et d’une « biopolitique de la population ».

3.2.1.4. Le pouvoir est un système de relation et d’imposition de normes.

3.2.1.4.1. GORI, R (2024). La folle passion des normes et des indicateurs dans nos sociétés ? Revue juridique de l’environnement, 2024/HS1 N° Hors-série. pp. 13-22.

3.2.1.5. L’investissement politique du corps relève plutôt d’une forme d’organisation diffuse qui impose sa marque sans être nécessairement élaborée et objet de discours.

3.2.1.5.1. Elle construit un dispositif souvent artisanal mais qui oriente les performances physiques requises, favorise le contrôle de l’espace et du temps, produit chez l’acteur les signes d’allégeance montrant sa bonne volonté.

3.2.2. La loi Neuwirth légitimant la contraception, la loi Veil libérant l’avortement

3.2.3. la libération sexuelle, le féminisme

3.3. Classes sociales et rapports au corps

3.3.1. Dans les sociétés hétérogènes les relations à la corporéité s’inscrivent au sein de différences de classes et de cultures qui en orientent les significations et les valeurs.

3.3.1.1. La classification n'est plus ausi nette qu'avant : développement de la classe moyenne, sensibilité individualiste

3.3.2. Les habitus corporels seraient les mises en jeu d’habitus plus large embrassant l’ensemble des conduites propres aux « agents » d’une classe sociale.

3.3.2.1. “culture somatique”

3.3.2.1.1. « usages sociaux du corps » ou habitus corporels propres aux différentes classes sociales.

3.3.2.1.2. classes populaires = corps "outil", force physique, bonne qualité de fonctionnement et d’endurance

3.3.2.1.3. classes privilégiées = corps "conscient", sensations, grâce, beauté, forme physique

3.3.2.2. Boltanski L. 1974. Les usages sociaux du corps », Annales, n° 1.

3.3.3. La logique économique enferme les acteurs dans une reproduction de l’habitus et semble méconnaître les aspects contemporains d’une société où la seule permanence est celle du provisoire et où l’imprévisible l’emporte souvent sur le probable.

3.3.3.1. Le problème qui demeure est celui du changement, de l’homme non plus « agent », mais « acteur » de son existence et du social.

3.3.3.1.1. Bourdieu P. 1979. La Distinction Critique sociale du jugement. Ed de minuit

3.4. Modernités

3.4.1. Le corps : "le plus bel objet" de l’investissement individuel et social.

3.4.1.1. "Sa redécouverte, après une ère millénaire de puritanisme, sous le signe de la libération physique et sexuelle, sa toute présence... dans la publicité, la mode, la culture de masse ou le culte hygiénique, diététique, thérapeutique dont on l’entoure, l’obsession de jeunesse, d’élégance, de virilité/féminité, les soins, les régimes, les pratiques sacrificielles qui s’y rattachent, le mythe du Plaisir qui l’enveloppe – tout témoigne aujourd’hui que le corps est devenu objet de salut."

3.4.1.1.1. Baudrillard J. 1970. La Société de consommation, Paris, Gallimard.

3.4.2. Le corps est promu au titre de « signifiant de statut social »

3.4.2.1. "radicalement distinct de celui du chat ou de l’enfant en ce qu’il est placé sous le signe de la valeur. C’est un narcissisme dirigé et fonctionnel de la beauté au titre du faire-valoir et de l’échange des signes"

3.4.2.1.1. Baudrillard J. 1976. L’Échange symbolique et la mort, Paris, Gallimard.

3.4.3. Le corps n’est plus l’incarnation irréductible de soi, mais une construction personnelle, un objet transitoire et manipulable susceptible de maintes métamorphoses selon les désirs de l’individu.

3.4.3.1. L’apparence alimente une industrie sans fin, et particulièrement une tyrannie qui touche surtout la femme, plus corps que l’homme pour les imaginaires occidentaux, et donc plus astreinte à être objet du désir plutôt que sujet.

3.4.4. « On peut comprendre l’importance nouvelle du corps dans le rêve de rendre enfin visible cet inconscient fuyant et inatteignable... Le déblocage articulaire est assimilé sans crier gare au déblocage psychologique. »

3.4.4.1. Vigarello G. 1982. « Les vertiges de l’intime », Esprit, n° 2, p. 72.

3.4.5. On peut penser que les individus les plus “mal à l’aise”, les plus physiquement “coincés”, “bloqués”, “refoulés”, aussi bien dans l’expression réelle que symbolique du corps sont ceux que les rapports de travail exposent à l’agressivité la plus directe alors que leur profession leur interdit de manifester la moindre agressivité en retour...Ces catégories intérioriseraient leur malaise social en mal-être physique. »

3.4.5.1. Perrin Eliane. 1984. Cultes du corps: Enquête sur les nouvelles pratiques corporelles. Favre

3.4.6. Les professions libérales, les cadres supérieurs et moyens forment l’essentiel des effectifs des thérapies corporelles.

3.4.6.1. Cette population exerce surtout dans le domaine de la santé, du travail social et de l’éducation, elle est écartelée entre la loi et ses clients, entre ses sentiments et ses moyens limités, elle assume des responsabilités mais sous l’égide d’une autorité qui la contrôle

3.4.6.1.1. Perrin Eliane. 1984. Cultes du corps : Enquête sur les nouvelles pratiques. Favre

3.4.6.2. À travers le climat de confiance et de complicité mutuelle qu’il suscite, l’espace thérapeutique lève provisoirement toute réticence ; l’expression des sentiments est encouragée dans un contexte qui en mesure cependant les conséquences. Les frustrations peuvent se dire, la colère prendre enfin corps. Inscrits dans un nouvel imaginaire social (« libération » du corps, de la sexualité, des sentiments ; contestation de la famille, du couple ; souci de soi, etc.), ces jeux et ces discours bavards qui mettent le corps en exergue illustrent ce dispositif social de contrôle qui sollicite l’intimité de l’acteur en orientant ses conduites mais en lui laissant le sentiment de sa pleine autonomie.

3.4.6.2.1. C’est bien la perte de la chair du monde qui force l’acteur à se pencher sur son corps pour donner chair à son existence.

3.4.6.3. Le corps devient le lieu géométrique de la reconquête de soi, un territoire à explorer à l’affût de sensations inédites à percevoir (thérapies corporelles, massages, danses, etc.)

3.4.6.3.1. Ce souci de l’apparence, cette ostentation, cette volonté de bien-être qui pousse l’acteur à courir ou à se dépenser, à veiller à sa nourriture ou à sa santé, ne modifie cependant en rien l’effacement du corps qui règne dans la sociabilité.

3.4.6.3.2. L’occultation du corps demeure présente et trouve son meilleur analyseur dans le sort fait aux vieillards, aux mourants, aux handicapés ou dans la peur que nous avons tous de vieillir.

3.5. Le risque et l’aventure

3.5.1. L’aventure ou les prises de risque, le goût de l’« extrême » dessinent une constellation de pratiques nouvelles visant à s’exposer physiquement à de longs efforts ou même encore au danger.

3.5.2. esthétique du geste, quête de sensation, relation durable et éprouvante au monde, démarche ludique

3.5.2.1. Nous vivons aujourd’hui dans une société problématique, également propice au désarroi ou à l’initiative, une société constamment en chantier, où l’exercice de l’autonomie personnelle dispose d’une latitude considérable.

3.5.3. devenir les entrepreneurs de nos propres vies

3.5.3.1. A. Ehrenberg A. 1991. Le Culte de la performance Paris, Calmann-Lévy

3.5.3.2. La quête de sens est fortement individualisée

3.5.4. Les solutions se font plus personnelles, elles sollicitent les ressources créatives de l’individu. La latitude élargie des choix se paie paradoxalement d’une incertitude sans précédent.

3.5.4.1. À défaut de limite de sens, l’individu cherche des limites de fait.

3.5.4.2. Le réel ( = risque) tend à remplacer le symbolique

3.5.4.2.1. regarder la mort en face sans faiblir.

3.5.4.2.2. Quand la société échoue dans sa fonction anthropologique d’orientation de l’existence, il reste à interroger la mort, pour savoir si vivre a encore un sens.

3.5.4.3. l’« extrême » : quête de performances, d’exploits, de vitesse, d’immédiateté, de frontalité, surenchère dans le risque

3.6. Le corps surnuméraire

3.6.1. Un autre imaginaire du corps envisage plutôt la précarité de la chair, son manque d’endurance, son imperfection, le vieillissement, les performances, la mort. Il semble faire du corps un membre surnuméraire de l’homme et inciter à s’en débarrasser.

3.6.2. volonté est de pallier les incertitudes de l’organique par l’adjonction en lui de procédures techniciennes.

3.6.2.1. posthumanisme, transhumanisme

3.6.2.2. réalité augmentée, cyberculture

3.6.2.3. PMA, GPA

3.6.2.4. neuralink

3.6.3. Le corps n'est plus à l’image de Dieu. Il est désormais un corps à l’image de soi, personnalisé, sans autre souveraineté qu’une volonté personnelle.

3.6.3.1. Le Breton D. 1999. L’Adieu au corps. Métailié

4. Chapitre 7. Statut de la sociologie du corps

4.1. Le chantier

4.1.1. La sociologie appliquée au corps dessine une voie de traverse dans le continent des sciences sociales, elle croise en permanence d’autres champs épistémologiques (histoire, ethnologie, psychologie, psychanalyse, biologie, médecine, etc.)

4.1.2. Le corps est l’interface entre le social et l’individuel, la nature et la culture, le physiologique et le symbolique.

4.1.2.1. C’est pourquoi son approche sociologique ou anthropologique exige une prudence particulière, la nécessité de discerner avec précision les frontières de l’objet.

4.2. La tâche

4.2.1. éclairer les zones d’ombre, sans illusion ni fantasme de maîtrise, sans omettre ni l’humilité, ni la prudence

4.2.2. un faisceau de lumière fondé sur les choix théoriques du chercheur, étayé sur le savoir d’une époque et qu’elle ne peut rendre compte de manière définitive de la complexité de l’objet, quel qu’il soit, et surtout sans doute s’agissant de la corporéité.

4.2.3. Où est la vérité ou plutôt la pertinence d’une recherche, sinon dans les conditions de sa production en permanence soumises au doute, à la rigueur, à l’échange avec les autres.

4.2.3.1. Comment imaginer une sociologie non dialogique ?

4.2.4. Un autre secteur fondamental de la recherche consiste dans l’élucidation des logiques sociales et culturelles qui traversent le corps, c’est-à-dire la part de la dimension symbolique, par exemple, dans les perceptions sensorielles, l’expression des émotions, etc.

5. Introduction

5.1. Définitions

5.1.1. corporéité

5.1.1.1. Caractère de ce qui est corporel, de ce qui a un corps humain, de ce qui est un corps matériel.

5.1.1.1.1. le fait d'exister en tant que corps physique

5.1.1.1.2. La corporéité - le « corps-objet » - englobe les qualités anatomiques et physiologiques qui se manifestent dans les fonctions anatomo-biologiques vitales.

5.1.2. corporalité

5.1.2.1. Nature corporelle, fait d'avoir une existence physique

5.1.2.2. La corporalité représente, au sens strict, le substrat substantiel de l'ensemble psychophysique de l'individu vivant : le « corps-sujet »

5.2. La condition corporelle

5.2.1. La sociologie du corps est un chapitre de la sociologie plus particulièrement attaché à la saisie de la corporéité humaine comme phénomène social et culturel, matière de symbole, objet de représentations et d’imaginaires.

5.2.1.1. corporéité dans les actions de la vie quotidienne

5.2.1.2. le corps = vecteur sémantique où se construit l’évidence de la relation au monde

5.2.1.2.1. L’existence est d’abord corporelle

5.2.1.2.2. L’acteur étreint physiquement le monde et le fait sien, en l’humanisant et surtout en en faisant un univers familier et compréhensible, chargé de sens et de valeurs, partageable en tant qu’expérience par tout acteur inséré comme lui dans le même système de références culturelles.

5.2.1.3. socio du corps = inventaire et compréhension des logiques sociales et culturelles qui se côtoient dans l’épaisseur et les mouvements de l’homme.

5.2.1.3.1. Si la sociologie porte sur les relations sociales, sur l’action réciproque d’hommes et de femmes, le corps est toujours là, au cœur de toute expérience.

5.3. Le souci social du corps

5.3.1. fin des années 1960

5.3.1.1. féminisme, révolution sexuelle

5.3.1.2. libération du corps

5.3.1.2.1. le corps est posé non comme un indiscernable de l’homme, mais comme une possession, un attribut, un autre, un alter ego

5.3.1.2.2. Durkheim : le corps est un « facteur d’individuation »

5.4. Sociologie du corps

5.4.1. Le corps fait alors une entrée royale dans le questionnement des sciences sociales : J. Baudrillard, M. Foucault, N. Elias, P. Bourdieu, E. Goffman, M. Douglas, R. Birdwhistell, B. Turner, E. Hall. Le corps mérite de plus en plus l’attention passionnée du champ social.

5.4.2. En France, F. Loux, M. Bernard, J.-M. Berthelot, J.-M. Brohm, D. Le Breton ou G. Vigarello

5.4.2.1. « sociologie implicite du corps » J.-M. Berthelot

5.4.2.2. « dégénérescence » des populations les plus pauvres, celle de la condition ouvrière (Marx, Villermé, Engels, etc.) ou des anthropométries (Quetelet, Niceforo, etc.)

5.4.2.3. G. Simmel (la sensorialité, le visage, le regard, etc.).

6. chapitre 1. Corps et sociologie : les étapes

6.1. Une sociologie implicite

6.1.1. Incidences sociales sur le corps

6.1.1.1. penser le corps de façon méthodique

6.1.1.2. le corps comme une forme façonnée par l’interaction sociale.

6.1.1.2.1. condition misérable des classes laborieuses

6.1.1.2.2. contexte de la révolution industrielle

6.1.1.3. la corporéité est un effet de la condition sociale de l’homme

6.1.2. L’homme, « produit » de son corps

6.1.2.1. les caractères biologiques de l’homme font que sa position dans l’ensemble est celle qui lui revient en toute justice.

6.1.2.1.1. la condition sociale est le produit direct de son corps.

6.1.2.1.2. primat du biologique = observations « scientifiques » : poids du cerveau, angle facial, physiognomonie, phrénologie, indice céphalique

6.1.2.1.3. appartenance à une « race », signes de la « dégénérescence » ou de la criminalité

6.1.2.1.4. Les qualités de l’homme sont déduites de l’apparence de son visage ou des formes de son corps.

6.1.3. Positions des sociologues

6.1.3.1. Durkheim : organicité (marquée par les conditions de vie). souci de la médecine ou de la biologie que celui de la sociologie.

6.1.4. La psychanalyse

6.1.4.1. Freud : malléabilité du corps, jeu subtil de l’inconscient dans la chair de l’homme. corps = langage des relations individuelles et sociales, des protestations et des désirs.

6.1.4.1.1. Freud introduit le relationnel au sein de la corporéité, il en fait une structure symbolique.

6.2. Une sociologie en pointillé

6.2.1. Apports sociologiques

6.2.1.1. les travaux de Simmel, au croisement du siècle, sur la sensorialité, les échanges de regard (1908) ou le visage (1901)

6.2.1.2. Robert Hertz : « prééminence de la main droite » dans les sociétés humaines.

6.2.1.2.1. l’obstacle culturel que constituent les représentations toujours négatives associées à la gauche et toujours positives s’agissant de la droite.

6.2.1.2.2. la gauche implique la gaucherie, le gauchissement, la traîtrise, le ridicule ; la droite appelle l’adresse, la droiture, le courage

6.2.1.3. Marcel Mauss : « L’expression obligatoire des sentiments » (1921), « L’effet physique de l’idée de mort » (1926), « Les techniques du corps » (1936)

6.2.1.4. Norbert Elias : les contenances extérieures du corps en rappelant ainsi le caractère social et culturel de nombre des conduites les plus banales et les plus intimes de la vie quotidienne.

6.2.1.4.1. Peu à peu, le corps s’efface, et la civilité puis la civilisation des mœurs viennent réguler les mouvements les plus intimes et les plus infimes de la corporéité (les manières de table, la satisfaction des besoins naturels, le pet, le crachat, les relations sexuelles, la pudeur, les manifestations de violence, etc.).

6.2.1.4.2. Les manifestations corporelles sont plus ou moins refoulées de la scène publique, nombre d’entre elles se déroulent dorénavant dans la coulisse ; elles se privatisent.

6.2.2. Apports ethnologiques

6.2.2.1. Maurice Leenhardt, F. Boas, B. Malinowski, G. Roheim, E. Sapir, E. de Martino, R. Bastide, F. Huxley, M. Mead, G. Bateson, C. Lévi-Strauss, etc. décrivent des ritualités ou des imaginaires sociaux qui contribuent à mettre la corporéité sous de meilleurs auspices pour la pensée sociologique.

6.2.2.2. M. Mead et G. Bateson : Des visages, des gestes, des rituels, des situations de la vie familiale ou villageoise défilent de page en page et donnent à cet ouvrage une exceptionnelle valeur scientifique et humaine : apprentissage des techniques du corps, mise en scène de la transe, relation parents-enfants, développement de l’enfant, jeux traditionnels, relations aux orifices corporels (manger, boire, éliminer, uriner, excréter, se purifier, etc.).

7. chapitre 2. À propos de quelques ambiguïtés

7.1. Ambiguïtés du référent : « corps »

7.1.1. Mais de quel corps s’agit-il ?

7.1.2. Le corps n’est-il pas pris lui-même sous le voile des représentations ?

7.1.2.1. Le corps n’est pas une nature. Il n’existe même pas

7.1.2.2. On n’a jamais vu un corps : on voit des hommes, des femmes.

7.2. Matériaux historiques

7.2.1. donner un corps à l’homme : ainsi de l’anatomophysiologie et du savoir biomédical au sens large, coupant l’homme de son corps, envisageant ce dernier comme un en-soi.

7.2.2. donner chair à l’homme – ces savoirs ne distinguent pas l’homme de son corps, les médecines populaires en donnent encore aujourd’hui l’exemple dans nos sociétés.

7.2.2.1. Dans les traditions populaires, le corps demeure en prise sur le monde, c’est une parcelle non détachée de l’univers qui lui donne son énergie. Il est un condensé du cosmos.

7.2.2.2. la femme "réglée" fait avorter les salaisons, la vinification, la cuisine (mayonnaise), etc...

7.2.2.3. De nombreuses sociétés identifient l’homme en même temps que sa chair, elle l’englobe également dans une totalité où l’invisible se mêle au visible de la nature, elles ne conçoivent pas le corps de manière détachée.

7.2.3. Les représentations de la personne, et celles, corollaires, du corps, sont toujours insérées dans les visions du monde des différentes communautés humaines.

7.2.3.1. Le corps est une fausse évidence, il n’est pas une donnée sans équivoque, mais l’effet d’une élaboration sociale et culturelle.

7.2.4. La conception moderne du corps, celle qui sert de point de départ à la sociologie dans la plupart de ses investigations, est née au tournant des XVIe et XVIIe siècles.

7.2.4.1. Cette conception implique que l’homme soit coupé du cosmos (ce n’est plus le macrocosme qui explique la chair, mais une anatomie et une physiologie qui n’existent que dans le corps)

7.2.4.2. coupé des autres (passage d’une société de type communautaire à une société de type individualiste où le corps est la frontière de la personne)

7.2.4.3. coupé de lui-même (son corps est posé comme différent de lui)

7.3. Matériaux ethnologiques

7.3.1. D’autres sociétés n’isolent pas le corps de l’homme et l’inscrivent dans un réseau complexe de correspondances entre la condition humaine et la nature ou le cosmos qui l’environne.

7.3.1.1. L’ensemble du vocabulaire canak appliqué aux composantes de ce que nous nommons « corps » est emprunté au végétal.

7.3.1.1.1. Leenhardt M, Do kamo, Paris, Gallimard, 1947

7.3.1.2. Evangélisé, occidentalisé, l'homme devient un individu, relativement coupé des autres, en partie détaché des valeurs qui le mêlaient au collectif.

7.3.1.3. pour distinguer un individu d’un autre, « il faut un facteur d’individuation, c’est le corps qui joue ce rôle » Durkheim

7.3.1.4. Le corps est une réalité changeante d’une société à une autre

7.3.1.4.1. les images

7.3.1.4.2. la nature, les rites et les signes

7.3.1.4.3. les performances

7.3.1.4.4. les résistances

7.3.2. le corps n’est pas seulement une collection d’organes et de fonctions agencées selon les lois de l’anatomie et de la physiologie.

7.3.2.1. Il est une structure symbolique, une surface de projection susceptible de rallier différentes formes culturelles

7.3.2.2. le savoir biomédical de nos sociétés occidentales est une représentation du corps parmi d’autres, efficace dans les pratiques qu’il soutient.

7.3.2.3. Nos sociétés occidentales sont en outre confrontées à d’innombrables modèles du corps : les médecines dites « parallèles », les médecines populaires

7.3.2.4. aucune représentation du corps ne fait finalement l’unanimité, même le modèle anatomophysiologique.

7.4. Le corps, élément de l’imaginaire social

7.4.1. Dans les sociétés traditionnelles, l’homme et sa chair apparaissent indiscernables, et les constituants de la chair sont, dans les représentations collectives, mêlés au cosmos, à la nature, aux autres.

7.4.2. Dans les sociétés qui demeurent encore relativement traditionnelles et communautaires, le « corps » est le relieur de l’énergie collective.

7.4.3. À travers le corps, chaque homme est inclus au sein du groupe.

7.4.3.1. À l’inverse, dans les sociétés individualistes le corps est interrupteur, il marque les limites de la personne, c’est-à-dire là où commence et s’achève la présence d’un individu.

7.4.4. le corps de la modernité, celui sur lequel la sociologie applique ses méthodes, résulte du recul des traditions populaires et de l’avènement de l’individualisme occidental, il traduit la clôture du sujet sur lui-même

7.4.4.1. Le Breton D. Anthropologie du corps et modernité, Paris, Puf, 2012.

8. chapitre 3. Données épistémologiques

8.1. La tâche

8.1.1. Définir le corps dont on parle

8.1.1.1. La première tâche du sociologue ou de l’anthropologue consiste à se dégager du contentieux qui fait du corps un attribut de la personne, un avoir et non le lieu et le temps indiscernable de l’identité.

8.1.1.1.1. se dégager du dualisme qui distingue sans critique la distinction cartésienne entre le corps et l’esprit

8.1.1.1.2. caractère construit de la « réalité objective » du corps.

8.1.1.1.3. Le signifiant « corps » est une fiction. Une fiction culturellement opérante, vivante

8.1.1.2. « Le corps » disparaît en totalité, et en permanence, dans le filet de la symbolique sociale qui en donne la définition et dresse l’ensemble des étiquettes de rigueur dans les différentes situations de la vie personnelle et collective.

8.1.1.2.1. Le corps n’existe pas à l’état naturel, il est toujours saisi dans la trame du sens, même dans ses manifestations apparentes de rébellion, quand provisoirement une rupture s’établit dans la transparence de la relation physique au monde de l’acteur (douleur, maladie, comportement inhabituel, etc.).

8.1.1.2.2. ne jamais oublier l’ambiguïté et la fugacité du corps, sa qualité d’incitateur au questionnement plutôt que de pourvoyeur de certitudes.

8.1.1.2.3. Le « corps » est une direction de recherche, non une réalité en soi.

8.1.2. Indépendance du discours sociologique

8.1.2.1. Le discours sociologique n’isole pas le corps humain à la manière surréaliste dont le font les « thérapeutes corporels » (cri primal, bioénergie, Gestalt-thérapie, etc.) qui semblent mettre l’acteur entre parenthèses et faire de son corps une quasi-personne.

8.1.2.2. La médecine et la biologie proposent elles aussi sur le corps humain un discours en apparence irréfutable, culturellement légitime.

8.1.2.2.1. savoir « officiel », universel

8.1.2.2.2. enseigné à l’université et soutenant les pratiques légitimes de l’institution médicale ou de la recherche.

8.1.2.2.3. but socio :

8.2. Les ambiguïtés à lever

8.2.1. Variabilité d’une culture et d’un groupe à l’autre

8.2.1.1. non-caractérisation en tant que telle dans nombre de communautés humaines.

8.2.1.2. prise dans l’histoire

8.2.2. impensé dualiste corps acteur et corps objet

8.2.2.1. penser le corps dans l’imaginaire social qui l’a produit.

8.2.2.2. risque d'éclatement de l’identité humaine entre l’homme d’une part et ce bel objet qui serait son corps

8.2.2.3. la sociologie du corps est celle des modalités physiques de la relation au monde de l’acteur. Quelles que soient les situations sociales où il est impliqué, l’acteur demeure incarné. Toute activité sollicite une mise en jeu du corps.

8.3. Une sociologie du corps ?

8.3.1. sociologie du contrepoint

8.3.1.1. Le corps fonctionne ici à la manière d’un analyseur, comme peut le faire également la vie quotidienne, la mort, la séduction, etc.

8.3.2. sociologie de l’à-propos

8.3.2.1. sociologie qui croise incidemment sur son chemin des traits relatifs à la corporéité

8.3.2.1.1. les techniques du corps

8.3.3. sociologie du corps

8.4. Les risques

8.4.1. mitoyenneté avec d’autres sociologies appliquées à la santé, à la maladie, à l’interaction, à l’alimentation, à la sexualité, aux activités physiques et sportives, etc.

8.4.1.1. confrontation avec ces différentes approches sociologiques

8.4.1.2. La réflexion sociologique sur le corps est tributaire de l’épistémologie et de la méthodologie inhérente à la discipline.

8.4.2. pluridisciplinarité qui s’impose souvent dans la saisie du corps : psychanalyse, phénoménologie, ethnologie, histoire, économie

8.4.2.1. « le corps surgit, dans le discours sociologique, à la ligne de crête et de tension qui sépare le versant science sociale du versant science humaine »

8.4.2.1.1. Berthelot J-M et al. 1985. « Les sociologies et le corps » Current Sociology, 33, 2.