1. Histoire
1.1. Le mot placebo, « je plairai », apparaît dans les vêpres des morts dans la vulgate, traduction latine de la bible grecque de saint Jérôme en 391 (psaume 114). Il évoque la relation au divin dans le processus de guérison, ce qui fera dire à Ambroise paré : « je le pansai, Dieu le guérit ».
1.2. Au XVIe siècle, le placebo était utilisé afin de confondre les soi-disant « possédés » en leur présentant de fausses reliques « authentifiées » par le Vatican ; si ceux-ci réagissaient, leur possession ne pouvait être que simulation et imagination.
1.3. En 1784, Louis XVI nomma une commission présidée par Benjamin Franklin (Franklin B. 1785.), celle-ci composée de Lavoisier, Guillotin et Jussieu durent se prononcer sur les effets du magnétisme animal de Franz Anton Mesmer. Le terme d’imagination, plus que placebo fut utilisé.
1.3.1. Virey. 1811. Dictionnaire des sciences médicales, T 24. Paris: CLF Panckoucke; 1818.
1.3.2. fondateurs de l’académie de médecine : « On saura (...) concevoir que des pilules de mie de pain ont produit des effets merveilleux sur des personnes délicates. Mais, si l’imagination n’y est pas... »
1.4. Le mot placebo, apparaît dans le domaine médical dans la seconde édition du Motherby's New Medical Dictionnary en 1785, puis dans le Quincy's Lexicon Medicum en 1803
1.4.1. Motherby G. A new medical dictionary. 2nd ed. London 1785. A common place medication or method. See: The medical definition of placebo. In: Shapiro AK, Shapiro E. The powerful placebo. From ancient priest to modern physician. London: John Hopkins University Press; 1997.
1.4.1.1. « une méthode banale ou remède »
1.4.2. Quincy J. Quincy’s Lexicon-Medicum. A new Medical Dictionnary. London; 1803.
1.4.2.1. « placebo, je plairai ; un épithète donné à tout remède prescrit plus pour faire plaisir au patient que pour lui être utile ».
1.5. Henry K. Beecher popularisa le concept d’effet placebo dans un article fondateur en 1955 dans lequel il estima la valeur de celui-ci à 35% avec de grandes variations selon les pathologies, allant de 15 à 60% dans la douleur.
1.5.1. Beecher HK. 1955. The powerful placebo. JAMA.159:1602-6.
2. Définitions
2.1. Le placebo représente une substance neutre, sans effet thérapeutique avéré. Il existe des placebos purs (complètement neutre comme du sucre en poudre compacté ou une de l’eau plate parfumée ou édulcorée) et des placebos impurs, c’est à dire des produits n’ayant pas prouvé leur efficacité ou dont l’action est détournée de leur usage principal (Comme la vitamine C à haute dose hors pathologie avérée comme le scorbut).
2.1.1. Le placebo pur, donc inerte, se défini comme un objet ou une procédure thérapeutique dépourvue d’activité spécifique.
2.1.2. Le placebo impur, actif, représente une substance ayant une activité pharmacodynamique mais celle-ci reste inefficace dans la pathologie pour laquelle il est prescrit.
2.2. L’effet placebo représente la différence entre l’effet attendu d’un procédé curatif avec l’effet réel produit par ledit produit. Si cet effet est positif on parle d’effet placebo, s’il est négatif on parle d’effet nocebo.
2.2.1. « L’effet placebo est constitué par les modifications objectives ou subjectives de l’état du sujet auquel a été administré le placebo ».
2.2.2. « Par extension l’effet placebo est, lors de l’administration d’une drogue active, la différence entre la modification constatée et celle imputable à l’action pharmacodynamique de la drogue »
2.2.2.1. Pichot P. 1961. A propos de l’effet placebo. Revue de Médecine Psychosomatique. 3:37-40.
2.3. « Le concept clé pour définir un placebo est celui d’une activité spécifique. » l’activité spécifique étant définie comme « l’influence thérapeutique attribuable uniquement au contenu ou au processus de la thérapeutique »
2.3.1. Shapiro AK, Morris LA. 1978. The placebo effect in medical and psychological therapies. In: Garlfield SL, Bergin AE, eds. Handbook of psychotherapy and behavior change. New York: Wiley; (pp. 369-410).
3. Force de la conviction
3.1. « Dans des conditions particulières, un produit inerte (ou une actions soit disant dépourvue d’effet) peut arriver à provoquer un véritable tour de force : améliorer la santé de quelqu’un qui pourtant ne se plaignait de rien ! »
3.1.1. Lemoine Patrick. 1996. Le mystère du placebo. Odile Jacob.
3.2. L’attente de l’effet, les espoirs de guérison provoquent motivation et changement de comportement du malade. Le malade s’engage dans des comportements facilitant le soin, comme l’observance de la posologie, le temps impartit aux soins, l’investissement financier, une meilleure hygiène de vie
3.2.1. Rotter JB. 1966. Generalized expectancies for internal versus external control of reinfocement. Psychological Monographs. 80:1 (Whole No 609).
3.3. Ces attentes provoquent un sentiment d’auto-efficacité, développent la croyance de ses propres capacités de prise en charge
3.3.1. Bandura A. 2007. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. (Trad Lecomte J). Bruxelles: De Boeck
4. Gelules, globules et autres artifices
4.1. Les gélules sont jugées plus efficaces si elles sont bicolores, les cachets bleus marchent bien pour calmer, les gros cachets sont meilleurs que les petits, ceux qui coutent plus cher sont plus efficace aussi.
4.2. L’injection faite par le médecin fonctionne mieux que celle faite par une machine ou une infirmière.
4.3. En matière commerciale, certains facteurs ont une forte influence comme le nom du médicament ou son prix
4.3.1. Waber RL, Shiv B, Carmon Z, Ariely D. 2008. Commercial Features of Placebo and Therapeutic efficacy. JAMA. 299:1016-7.
5. l'effet placebo
5.1. Une méta analyse montre une différence significative entre des procédures chirurgicales invasives réelles et des procédures chirurgicales simulées (avec effraction cutanée ou endoscopique) pas tant sur la douleur post opératoire mais sur les effets digestifs (reflux, perte de poids).
5.1.1. Jonas WB, Crawford C. 2015. To what extent are surgery and invasive procedures effective beyond a placebo response? A systematic review with meta-analysis of randomised, sham controlled trials. BMJ Open. 2015 Dec 11;5(12):e009655. doi: 10.1136/bmjopen-2015-009655.
5.1.2. Néanmoins, l’effet spécifique des procédures réelles s’efface dans les études à fort effectif (supérieur à 100)
5.2. L’effet placebo est significatif dans la douleur, l’anxiété, les troubles parkinsoniens, et certaines procédures chirurgicales.
5.2.1. Colagiuri B, Schenk LA. The placebo effect: From concepts to genes. Neuroscience. 2015 Oct 29;307:171-90. doi: 10.1016/j.neuroscience.2015.08.017. Epub 2015 Aug 10.
5.2.2. Certains variants génétiques dans les voies de synthèse des opioïdes, de la dopamine, des endocannabinoïdes et la réactivité à l’effet placebo semblent prometteur dans la modulation des ces effets.
6. L'effet contextuel
6.1. L’expérimentation et son contexte vont interférer avec le processus étudié ; le médecin, le malade et le médicament et l’interaction entre les trois ne sont pas en totale indépendance ; c’est la notion de tiers-inclus. Les phénomènes mis en évidence sont-ils reproductibles et extrapolables dans d’autres contextes ?
6.1.1. Hrobjartsson A. 1996. The uncontrollable placebo effect. Eur J Clin Pharmacol. 50:345-8.
6.2. Dans Le cadre d’essai clinique, l’effet constaté dépend du produit donné et du contexte de l’essai clinique.
6.2.1. L’effet blouse blanche, le fait d’être sélectionné et de participer à une étude clinique, l’effet Hawthorne et lessebo, les biais de l’étude (paradoxe de Simpson, biais d’inclusion, d’exclusion, de publication, la régression à la moyenne, la puissance et le niveau EBM) jouent un rôle important dans l’apparition des phénomènes placebo et contextuels.
6.3. Dans un autre cadre clinique, celui du médecin de ville, l’effet constaté dépend du produit mais aussi de nombreuses choses dépendant du contexte de la consultation.
6.3.1. Le rituel thérapeutique (ancré depuis le jeune âge), le conditionnement du soin, les voies d’administration, le personnel soignant (infirmière ou médecin, jeune ou vieux, professeur ou interne), l’objet « médicament » ou thérapeutique (couleur, forme, odeur, etc..), le lieu du soin (cabinet « joli » décoré ou sobre), les croyances du patient et du thérapeute, l’empathie, les personnalités de chacun, la relation thérapeute-malade, le transfert et le contre transfert avec les projections de chacun vers l’autre et les stratégies mises en place (défense, confiance, défiance), le handling et le holding (Winnicott), tous ces phénomènes viennent grandement interférer avec les résultats.
6.3.2. L’effet placebo est plus important si le dispositif (placebo) est inclus dans une consultation plus longue et plus empathique
6.3.2.1. Kaptchuk TJ et al. 2006. Sham device v inert pill: randomised controlled trial of two placebo treatments. BMJ. 332:391-7.
6.3.3. Ces effets contextuels de la relation ne sont-ils réellement que tromperies, billevesées, fariboles et balivernes au détriment du malade discrédité, ridiculisé ?
6.3.3.1. « Est-il tellement humiliant pour un médecin de reconnaître que son « bon » traitement physique ou chimique a agi, au moins en partie, pour des raisons psychosociologiques ? Est-il vraiment déshonorant pour un patient de réaliser que sa guérison n’est pas entièrement liée à l’action pharmacologique du médicament mais tient, aussi, à la confiance qu’il a dans son médecin ? »
6.3.3.1.1. Lemoine Patrick. 1996. Le mystère du placebo. Odile Jacob.
6.3.3.2. « Il s’agit d’admette que tout n’est pas quantifiable, que certains résultats échappent à la science, que les médecins et leur malades ont, dieu merci, des comportement et des attitudes qui en sont pas complètement dictés par la rigueur pharmacologique, mais davantage par l’espoir de réveiller les forces internes de guérison supposées gésir en chacun de nous »
6.4. contexte ou tissus ?
6.4.1. On attend d'un traitement qu'il ai des effet physiologiques. Les effets ne sont-ils pas dus au contexte ?
6.4.1.1. revue systématique de 68 études randomisées en kiné vs placebo
6.4.1.1.1. Ezzatvar et al. 2024. Which portion of physiotherapy treatments' effect is attributable to contextual effects in people with musculoskeletal pain?: A meta-analysis of randomised placebo-controlled trials.
6.4.1.2. 46 à 87% des effets immédiats sont dus au contexte... (même les exercices)
6.4.1.2.1. .
6.5. types d’effets induits par une thérapeutique quelle qu’elle soit
6.5.1. Les effets dits « spéciques » : ils correspondent aux effets qui sont inhérents au traitement.
6.5.2. Les effets dits « non spéciques » : ils correspondent aux effets liés aux caractéristiques et au contexte de l’intervention. (l’effet placebo, l’évolution naturelle de la maladie, la régression à la moyenne, les effets relatifs au temps et les interventions parallèles non connues)
6.5.3. Morral A et al. 2017. Efecto placebo y contexto terapeutico : un reto en investigacion clinica. Med Clin.149(1) :26-31
6.6. Mécanismes en jeu
6.6.1. Les différents facteurs à prendre en compte
6.6.1.1. Facteurs liés au soignant
6.6.1.1.1. l’image que le thérapeute renvoie au patient : expertise, professionnalisme, réputation, attitude rassurante, enthousiasme, etc.
6.6.1.2. Facteurs liés au patient
6.6.1.2.1. la façon dont le patient perçoit la situation en fonction de ses caractéristiques personnelles : âge, sexe, pathologie diagnostiquée, expériences antérieures, projets, état d’esprit, etc.
6.6.1.3. Relation thérapeutique
6.6.1.3.1. La communication verbale va jouer un rôle important : écoute active, expression verbale de soutien, d’empathie et d’encouragement pour le patient, l’humour et la sympathie, etc. La communication non verbale : le contact visuel, les expressions faciales, le sourire, l’attitude corporelle, le contact physique, etc.
6.6.1.4. Facteurs liés au traitement
6.6.1.4.1. La nature plus ou moins invasive et/ou physique du traitement, son coût, la thérapie manuelle (impact fort du toucher thérapeutique), le fait de délivrer un diagnostic clair, de fournir des explications au patient sur sa pathologie et sur le soin, lui permettre de poser des questions, avoir un soin centré sur le patient, l’apprentissage observationnel, etc.
6.6.1.5. Facteurs liés à l’environnement du soin
6.6.1.5.1. Présence d’une lumière naturelle, un niveau sonore peu élevé, une musique douce et relaxante, des arômes apaisants, une température adéquate, etc.
6.6.1.6. Facteurs développementaux et socio-culturels
6.6.1.6.1. Notre façon de penser est en perpétuelle évolution et se construit à partir de l’ensemble des stimuli que nous recevons depuis notre naissance ; l’environnement socio-culturel dans lequel nous évoluons, nos interactions avec le monde extérieur, les différentes expériences vécues avec la maladie et le corps médical, l’observation de notre entourage et de leur comportement, etc. Tout cela modèle de manière inconsciente notre esprit et c’est ce qui rend unique la réponse de chacun aux effets contextuels.
6.6.2. Mécanismes psychologiques
6.6.2.1. Attentes et espérances du patient
6.6.2.1.1. système d’anticipation pour présupposer le devenir positif ou négatif de l’expérience
6.6.2.1.2. mode conscient lié aux consignes verbales du thérapeute au patient.
6.6.2.2. théorie du cerveau bayésien
6.6.2.2.1. le système nerveux utilise un modèle de raisonnement probabiliste qui va lui permettre d’élaborer, en permanence, des hypothèses afin d’obtenir une représentation la plus efficace et robuste du monde.
6.6.2.2.2. il s’appuie sur l’intégration d’informations sensorielles ascendantes (notamment nociceptives) et sur des prédictions sensorielles descendantes. Tout cela est modulé par les expériences antérieures du sujet, ses émotions, ses souvenirs, ses croyances, ses attentes et ses espérances.
6.6.2.2.3. A cela s’ajoute l’ensemble des éléments en provenance de l’environnement extérieur (e.g. apprentissage social) qui viennent modifer et affiner les prédictions faites par le système nerveux.
6.6.2.2.4. mécanisme à la fois conscient et inconscient
7. L'effet nocebo
7.1. Il est censé représenter les effets indésirables, nocifs, les effets réduits ou aggravés d’un médicament ou d’une thérapeutique. C’est l’effet négatif entre ce qui est prévu et ce qui est réellement perçu par le traitement.
7.2. La douleur et le stress sont plus élevés dans les groupes soumis à un nocebo pour lesquels la prédisposition à la peur de la douleur médicale, sans rapport avec la personnalité, et les états émotionnels s’y référents sont plus élevés
7.2.1. Aslaksen PM, Lyby PS. 2015. Fear of pain potentiates nocebo hyperalgesia. J Pain Res. Oct 12;8:703-10.
7.3. la prévalence de la guérison en cas de chimiothérapie ou radiothérapie est fortement corrélée à la réaction du malade au diagnostic de son cancer.
7.3.1. Le fighting spirit reste le meilleur allié du médecin.
7.4. Perdus dans les limbes des effets nocebo et des troubles fonctionnels les patients n’ont d’autres reflexes que de se retrouver chez les coach, ostéo, psy, et bien d’autres qui ont une vertu perdue de nos chers prescripteurs : l’écoute !
7.4.1. Les « pathologies fonctionnelles » remplissent entre 40 et 60% de la consultation médicale, les patients ont-ils tant de mal à dire leur mal être et les médecins tant d’orgueil à ne pas les écouter et à leur jeter des prescriptions « d’anti » ?
7.4.2. La médecine ne voulant rien y comprendre fait le lit des professions parfois charlatanesques qui savent les entendre.
7.4.3. L’information sans prévention et sans résolution ni solution mène à la dérision, la désapprobation, la contestation, la réaction d’émotion, la manipulation, la destruction, la malédiction et la consternation mais en aucun cas à la réflexion et à la protection.
7.5. 14 facteurs influençant l’effet nocebo sont décrits. Le plus important étant la dose d’exposition, favorisant l’émergence et l’exagération des symptômes. Pour contrecarrer ces effets délétères, il faut limiter la suggestion des symptômes pouvant être perçus, corriger la perception exagérée et irréelle des symptômes perçus, et réduire les doses des patients présentant des effets indésirables importants.
7.5.1. Webster RK et al. 2016. A Systematic Review of Factors That Contribute to Nocebo Effects. Health Psychol. Sep 22.
7.6. Il peut exister un effet négatif relatif aux attentes des patients sachant qu’ils peuvent recevoir un placebo lors d’un essai clinique, c’est ça l’effet Lessebo. Se croyant sous placebo, ils minimisent l’effet du médicament-traitement potentiel.
7.6.1. La croyance induit l’effet placebo, le scepticisme l’effet nocebo.
7.6.2. « Le pire des nocebos c’est le scepticisme de celui qui ne croit en rien, n’attend rien. A ne pas confondre avec le scepticisme critique de celui qui ne s’en laisse pas compter par le premier charlatan venu ! A ne pas confondre non plus avec le scepticisme morbide, quasi dépressif, et son corollaire, le pessimisme. »
7.6.3. du pessimisme au cynisme, il n’y a qu’un pas, signe d’une souffrance, d’un manque de reconnaissance, d’une sensibilité et d’une empathie allant bien au delà de la simple relation duelle ou fusionnelle mais plus large, culturelle, existentielle.
8. Explication ou compréhension du phénomène
8.1. Endomédicaments
8.1.1. la dopamine libérée chez les parkinsoniens avec traitement placebo, vérifié au Petscan. Idem pour les endomorphiniques naturels libérés par le cerveau lors de l’administration d’un placebo d’anti douleur.
8.1.2. L’effet placebo c’est fabriquer des substances naturelles censées soigner les atteintes pathologiques corporelles.
8.1.3. « Toutes les maladies répondent au placebo (excepté le coma dépassé) »
8.1.3.1. Lemoine Patrick. 1996. Le mystère du placebo. Odile Jacob.
8.1.4. La majoration des effets placebo permet la réduction des doses médicamenteuses tout en maintenant une efficacité thérapeutique correcte.
8.1.4.1. Doering BK, Rief W. 2012. Utilizing placebo mechanisms for dose reduction in pharmacotherapy. Trends Pharmacol Sci. Mar;33(3):165-72.
8.2. L'effet de la puissance. Placebo symbole ou efficacité symbolique ?
8.2.1. « Le placebo est bien une gélule, une pastille, une pilule. Il est cela, mais donné par une main humaine à un corps humain »
8.2.2. Dans le placebo, c’est le règne du doute, « l’ultime part d’irrationnel en médecine, à la croisée des chemins entre pharmacologie, psychologie et magie, entre science et irrationnel »
8.2.2.1. Lemoine Patrick. 1996. Le mystère du placebo. Odile Jacob.
8.2.3. En 1949, Levi-Strauss parlera d’efficacité symbolique pour expliquer l’efficacité d’une cure chamanique.
8.2.3.1. Levi-Strauss C. 1958. L’efficacité symbolique. Anthropologie structurale. Paris: Plon.
8.2.4. François Roustang (Roustang évoque la relation humaine subjective dans le fait de prescrire.
8.2.4.1. Roustang F. 2000. La fin de la plainte. Paris; Odile Jacob.
8.2.5. Brody écrit clairement que « l’effet placebo est la modification de l’état du malade attribuable à la valeur symbolique de l’intervention thérapeutique. »
8.2.5.1. Brody H. 1982. The lie that heals: the ethics of giving placebo. Ann Intern Med. 97:112-8.
8.2.6. Le physiologiste Stewart Wolf : « L’effet placebo est un effet thérapeutique ou un effet secondaire attribuable à un traitement, mais qui n’est pas un effet supplémentaire propre à ses propriétés pharmacodynamiques ou spécifiques »
8.2.6.1. Wolf S. 1959. The pharmacology of placebo. Pharmacological Reviews. 11:689-704.
8.3. Conviction
8.3.1. le placebo peut être utilisé avec ou sans la connaissance du fait qu’il en soit un
8.3.1.1. « Un placebo peut être utilisé en sachant ou sans savoir que c’est un placebo. Il peut s’agir d’un traitement donné avec la conviction que ce n’est pas un placebo, alors qu’une évaluation objective confirme qu’il l’est en réalité. »
8.3.1.1.1. Shapiro AK, Shapiro E. 1997. The powerful placebo. From ancient priest to modern physician. London; John Hopkins University Press
8.3.2. La conviction du thérapeute et la confiance du patient prennent toute leur valeur dans la guérison et l’amélioration des symptômes présentés.
8.3.3. Médecine ritualisée
8.3.3.1. le rituel généré dans le soin aurait aussi un effet placebo.
8.3.3.2. le conditionnement thérapeutique, c’est à dire l’habitude des rituels appris dès l’enfance, comme le triptyque : docteur = médicament = soulagement serait supérieur au fait de savoir consciemment que le traitement est placebo.
8.3.3.2.1. L’effet placebo serait ainsi produit sans tromperie ni ruse thérapeutique.
8.3.3.3. De nombreuses études sur la médication des états dépressifs montrent que plus de 80% des effets peuvent être attribués à des effets non pharmacologiques comme la prise de décision, la communication du prescripteur, l’alliance thérapeutique, les espérances des patients et la fréquence des relations thérapeutiques.
8.3.3.3.1. Sagar Vijapura. 2016. Attitudes Towards Non-pharmacologic Factors within Context of Antidepressant Pharmacotherapy. Acad Psychiatry. Oct; 40(5): 783–789.
8.3.3.4. La communication correcte faite aux patients, l’écoute et la considération de leurs attentes, la démonstration d’empathie, la présentation des informations précises procédurales explicitées et comprises, permettent aux patients d’auto-maitriser, d’avoir un auto contrôle de leurs sensations, de développer leur auto efficacité.
8.3.3.4.1. Van Vliet LM, van Dulmen S. 2016. The placebo effects of good communication. Ned Tijdschr Geneeskd.160:D251.
9. Victimes du placebo : hystéros ou blaireaux ?
9.1. Il n’existe pas de profil type de thérapeute placebo inducteur, l’efficacité dépend en grande partie des aspirations du thérapeute envers une maladie ou un type de patient, de ses compétences, son savoir être.
9.2. Le thérapeute ayant une aisance relationnelle avec les adolescents les soignera mieux que celui qui n’aime pas les enfants et préfère le soin gériatrique.
9.3. Un thérapeute rassurant ou angoissant n’aura pas les mêmes données sur la prise de tension artérielle chez l’hypochondriaque.
9.4. Le fait d’être une jeune ostéopathe, jolie et douce aura-t-il plus d’effet positif sur la prise en charge d’un bébé que le fait d’être un ostéopathe à la voix grave carrure rugbyman ?
9.4.1. Sur la technique de prise en charge, la compétence ou la réalité thérapeutique objective, clairement non ; par contre sur les effets placebo induits, probablement oui.
9.4.2. Reste aux parents, lors de leur choix d’un thérapeute, de se garder ne pas tomber dans la caricature…
9.5. Les patients aussi doivent comprendre que tout n’est pas dans la chimie, ni dans la manipulation miracle, certes la chimie, la pharmacologie sont des sciences mais la physique aussi, de même que la psychologie, la culture et l’environnement ; et considérer l’humain c’est prendre en compte toutes les facettes de son être, et ça n’a rien d’une considération de bobo ou d’écolo.
9.5.1. L’humain est complexe, c’est à dire qu’il faut considérer toutes les échelles en interaction : moléculaires, cellulaires, cérébrales, psychologiques et sociales nécessitant des compétences particulières à chaque échelle. Les compétences de certains scientifiques dans chaque domaine apportent une pierre de plus à l’édifice affinant la compréhension de l’humain. Ce n’est pas gagné dans l’encadrement corporatiste actuel du patient.
9.5.2. La maladie peut être vue comme une blessure narcissique, voire un châtiment divin devant être culpabilisé avant d’être expié. Le personnage intermédiaire entre soi et la divinité vengeresse, sacralisé, expiateur, tout puissant inquisiteur « scientifique », joue un rôle important dans le déroulement inconscient de la guérison.
9.6. Le médicament peut apparaître parfois comme un objet transitionnel, cet objet donné par l’autre bienveillant et rassurant, (maman fait le relai du médecin) est sucé, avalé, tel un bonbon sucré sinon comment pourrait-on s’étonner du sucre ajouté dans certains médicaments dès la prescription pédiatrique ?
9.6.1. bisous magique, doudou guéri